Howard Moody – Le journal du compositeur
#2 La réaction du compositeur face au synopsis
C’est en voyant le tableau de Brueghel au Musée des Beaux-Arts, La Chute d’Icare, et en lisant le poème de W.H. Auden que m’est venue l’idée d’écrire un opéra « environnemental » à partir de ce mythe. Comme l’a observé Auden, il est impossible de se détourner du désastre. Mes propres idées et concepts commençaient à prendre forme, mais j’avais hâte de voir comment Anna allait répondre au cahier des charges de la commande pour créer toute une histoire dramatique.
Lorsque j’ai reçu le synopsis complet d’Anna, j’ai été époustouflé par son originalité et son sens de l’urgence contemporaine. Elle a réussi à refléter la crise environnementale de notre époque en rééquilibrant notre perception du mythe d’Icare.
Talos, le cousin d’Icare, est placé au centre de l’action. L’opéra commence par une scène où son oncle Dédale le tient tout au bord d’une falaise. L’ouverture d’un spectacle par une musique soutenue et dramatique est le rêve de tout compositeur ! La transformation de Talos en oiseau est fidèle au mythe original mais, dans Solar, le personnage s’élève pour devenir une voix empressée, pour appeler au changement – un message qui sera chanté par un soprano dramatique. Le public ne pourra pas y échapper.
Anna a décidé que le Soleil sera joué par le Chœur d’enfants. Son rôle sera central dans chaque scène, interagissant avec le monde des hommes. Ces jeunes voix, brillamment formées, vont transmettre la puissance rageuse du Soleil, pour pouvoir donner la voix la plus forte à la prochaine génération. Ce rôle permet aux jeunes interprètes de s’impliquer pleinement dans chaque scène de l’action et invite une musique énergique et rythmée qui nécessitera toute leurs forces vocales.
L’action humaine, quant à elle, couvre une vaste gamme d’émotions et de relations complexes. Les personnages principaux révèlent de nombreuses facettes d’eux-mêmes, ce qui permet à chaque aria d’évoquer une humeur et une intention distinctes. J’ai du pain sur la planche ! Dédale, qui se retrouve piégé par sa propre invention ainsi que par sa jalousie, possède une complexité qui convient parfaitement à une voix de baryton. En revanche, le timbre perçant d’une voix de ténor se prête mieux au contrôle manipulateur du roi Minos.
Anna présente Icare en plein moment de tristesse. Elle a décidé de tisser un lien étroit entre Icare et Talos, ce qui constitue un autre de ses propres ajouts à l’histoire originale. La mort de Talos est d’autant plus tragique qu’Icare doit affronter le fait que son propre père a tué quelqu’un qui était comme un frère pour lui. La scène dans laquelle Icare et les « apprentis » (joués par le Chœur de jeunes) pleurent la mort de Talos permettra de mettre en évidence le chant virtuose de la voix du soliste contre-ténor qui incarnera Icare. La possibilité de superposer cette voix avec celle des apprentis et du soprano jouant Talos a immédiatement suscité des idées musicales.
Solar possède tous les éléments clés qui font qu’une histoire mérite d’être traitée à l’opéra, avec le défi musical majeur d’exprimer un message urgent à la fin de l’opéra. C’est parti…