Anna Moody 3
Anna Moody – Le processus d’écriture de la librettiste
#3 Du scénario à la scène, ou la relation du librettiste avec le metteur en scène
La confiance et le respect que j’ai pour le metteur en scène Benoît De Leersnyder m’ont procuré beaucoup d’assurance et d’excitation lors de l’écriture de Solar, car j’avais son style créatif en tête lorsque je travaillais. J’avais vu l’une de ses mises en scène et nous avions également déjà travaillé ensemble auparavant, car il avait traduit un autre de mes livrets (Les Rêveurs de la Lune) en français pour une représentation à Avignon. Nos discussions sur Les Rêveurs – tant au niveau de l’histoire que comme scénario, et aussi en regard de la représentation à Strasbourg en mars 2022 – m’ont montré à quel point il comprenait mon écriture en profondeur.
C’est un grand moment que de remettre un scénario à une équipe de production pour qu’il puisse être remodelé et développé par de nombreux autres esprits créatifs. Toute image mentale de mise en scène que j’aurais pu avoir pendant le processus d’écriture va alors disparaît et l’histoire devient plus grande que je n’aurais pu l’imaginer.
Avec Benoît à la barre de la production de Solar, le processus de transfert a été productif et a donné lieu à des discussions détaillées sur le texte et les personnages. Benoît et moi avons eu plusieurs vidéoconférences au sujet de la pièce, et nous avons encore récemment passé une matinée à décortiquer ensemble le sens de chaque mot ! C’est une joie de travailler avec un metteur en scène d’opéra si proche du texte et si dévoué aux détails qu’il contient.
Lorsque j’ai terminé le livret, il était important pour moi de le présenter à Howard et Benoît avant de l’envoyer au reste de l’équipe. On a fait un appel Zoom à trois et je le leur ai lu à haute voix. À la fin de chaque scène, nous faisions une pause pour discuter de l’action, et j’expliquais mes différentes influences ainsi que les concepts qui sous-tendent la scène. Benoît a l’expérience du public et un radar aiguisé pour les réalités du spectacle, et ses suggestions sont donc toujours utiles. Qu’il s’agisse de conseils sur la mise en contraste des fins de scènes ou sur la nécessité pour les personnages de s’appeler par leur nom afin que le public sache qui est qui, le point de vue de Benoît m’a permis de peaufiner le texte pour qu’il soit prêt à être repris par l’équipe de production.
Un librettiste a souvent l’impression de ne plus exister une fois le texte remis ; il se peut même qu’il soit aussi surpris par la production finale que le public. Mais Benoît, repérant rapidement les moments d’ambiguïté et désireux de comprendre l’intention de l’auteur, permet un passage à la fois dynamique, communicatif et unique du texte à la scène.