Streaming On purge
On purge bébé !, à voir et à revoir gratuitement en streaming.
Composition
Philippe Boesmans
Livret et mise en scène
Richard Brunel
Direction musicale
Bassem Akiki
Première : Décembre 2022
On purge bébé !, à voir et à revoir gratuitement en streaming.
Benoît Mernier sur la fin de la partition
« M... ! » Quand même, ce n’est pas courant de devoir mettre ce mot en musique, s’exclame, hilare, le compositeur Benoît Mernier, qui a achevé la partition de Philippe Boesmans. Il témoigne de la fin de la composition et de son travail de relecture dans cet article, et il évoquera également ces moments le 1er décembre pendant la rencontre musicale Inside the Music.
Le librettiste et metteur en scène Richard Brunel se souvient de Philippe Boesmans et de leur première rencontre, à l’origine de On purge bébé.
Mon cher, mon très cher Philippe,
Je t’ai d’abord connu en tant que spectateur, en 2005, à Aix-en-Provence, lors d’une représentation de ta Julie. Et j’ai été très touché par ton écriture raffinée, ton sens du théâtre, de la vocalité, par ton exigence du texte chanté. Sans encore te connaître personnellement, j’ai admiré l’artiste merveilleux que tu étais, puis j’ai eu cette chance extraordinaire de te rencontrer à Aix-en-Provence en 2017 pendant Pinocchio. Ta gentillesse immédiate et ta simplicité franche et cordiale m’ont beaucoup impressionné.
Je remercie le hasard – tu disais que c’était le hasard – de notre rencontre dans une rue près du Grand Théâtre de Provence. Et là, dans la rue, tu m’as embarqué dans cette aventure lyrique cocasse et quasi impossible : mettre en scène une pièce de Feydeau à l’opéra. Personne n’avait fait cela. Et parce que c’était impossible, tu voulais le faire et tu l’as fait. On purge bébé… à chaque fois tu lançais ce titre avec malice… On purge bébé. Ton œil pétillait d’espièglerie à l’idée de cet enfant constipé sur une scène d’opéra. Un vendeur de pots de chambre comme anti-héros d’un opéra, ça te mettait en joie.
Très vite, je suis venu te voir à Bruxelles, et nous avons commencé à travailler ensemble. Ton merveilleux humour, ta sensibilité, ton œil gourmand, ta joie au travail, tes observations poivrées et ton attention élégante ne me quitteront jamais. Quel plaisir et quel honneur d’avoir partagé tous ces moments avec toi. Tes appels hebdomadaires pour travailler sur ce Bébé ou parfois pour évoquer l’opéra d’après Bébé vont infiniment me manquer. Tes blagues et ton rire vont me manquer.
On a ri ensemble, beaucoup ri, tout était un prétexte à rire. À rire désespérément et à vivre joyeusement. Et ton dernier opéra, était-ce aussi pour rire ? En écrivant ce mot, le dernier, je suis irrémédiablement pris d’une émotion profonde. Ton absence ne me fait pas rire, alors, mon cher ami, je garderai ton rire dans mon oreille, et c’est lui qui me guidera quand je mettrai en scène ton On purge bébé. Et avec toute l’équipe, nous le ferons à ta mémoire, nous jouerons ton opéra avec une joie espiègle, nous travaillerons en riant le plus possible. Philippe, je te remercie infiniment de toi.
Il ne se passe pas un mois, voire parfois même une semaine, sans que le puzzle d’une création ne doive être réassemblé avec d’autres pièces. Ainsi, c’est le cas de On purge bébé. Notre MM Ambassador Stéphane Degout doit malheureusement annuler sa participation à cette création pour des raisons personnelles. À quelques mois de la première, nous avons heureusement pu trouver rapidement un digne remplaçant : Monsieur Follavoine sera incarné par Jean-Sébastien Bou, qui s’était déjà produit à la Monnaie dans le rôle de Don Giovanni. D’un bon père de famille à un autre...
On purge bébé sera l’opéra numéro 8,5 de Philippe Boesmans à la Monnaie. Il couronne une collaboration artistique de presque quarante ans. En voici un aperçu.
#1 La Passion de Gilles
C’est un ancien directeur de la Monnaie, Gerard Mortier, qui pose la première pierre de la carrière lyrique de Philippe Boesmans. Il fait appel à lui au début des années 1980 pour La Passion de Gilles (1983).
L’opéra, basé sur l’histoire du « Barbe-Bleue français » Gilles de Rais, est joué neuf fois à guichets fermés, avant qu’il ne soit décidé, à l’improviste, d’ajouter une représentation. L’intérêt pour cette dernière est si grand que le public occupe même les escaliers latéraux – fait inédit pour une nouvelle création.
#1,5 L’incoronazione di Poppea
En 1989, la Monnaie présente une nouvelle production de L’incoronazione di Poppea. De cet opéra inachevé de Monteverdi, seuls les passages chantés ont survécu, ainsi que des notes brutes qui donnent une idée de l’harmonie. La Monnaie demande à Philippe Boesmans d’en réaliser une nouvelle adaptation et une nouvelle orchestration, qui se distingueront par leurs accents modernes dans un style baroque. Le clavecin est même doublé par des sons provenant de synthétiseurs. Le travail sur Poppea aura une influence profonde sur l’écriture de Boesmans : « J’ai beaucoup appris de Monteverdi, notamment le fait que chaque personnage a un profil vocal distinct, avec ses propres intervalles. » Il marque également le début d’une série de collaborations avec le metteur en scène-librettiste Luc Bondy, le Da Ponte de Boesmans.
#2,5 Reigen
La collaboration avec Luc Bondy se poursuit d’abord avec Reigen (1993), une adaptation de la pièce éponyme d’Arthur Schnitzler. L’histoire est une grande chaîne d’amour : la prostituée aime le soldat qui se languit de la femme de chambre, laquelle s’est entichée du jeune homme qui n’a d’yeux que pour la jeune épouse amoureuse de son mari, tandis que ce dernier est sous le charme d’une jeune dépravée elle-même éprise du poète, amant de l’actrice qui entretient une liaison avec le comte, lequel se réveille un beau matin aux côtés de la prostituée. Selon Boesmans, l’atmosphère érotique permanente de cet opéra aurait été à l’origine d’un baby-boom au sein du personnel de la Monnaie. Cela reste à vérifier, mais ce dont nous sommes sûrs, c’est que la pièce est devenue l’un de ses plus grands succès. Elle est encore reprise de nos jours, notamment dans la réduction pour orchestre de chambre réalisée par Fabrizio Cassol.